Je vais vous raconter l’histoire vécue par 111 élèves de Première et Terminale générale, technologique et professionnelle des Lycées Fénelon Notre-Dame de La Rochelle : ils ont pu découvrir l’histoire, redécouvrir l’histoire comme jamais ils ne l’avaient étudiée, sur les traces des Juifs qui ont été exterminés, JUSQU’AUX DERNIERS, par le régime nazi sur la période 1939-1945.
Après six semaines de préparation intense, nous sommes partis, dans la nuit du 28 au 29 janvier 2024 de l’École Paul Doumer, à la Rochelle, où furent enfermés les 90 derniers Juifs de Charente-Maritime, suite à la rafle du 31 janvier 1944, avant d’être déportés vers Drancy, puis à Auschwitz Birkenau par le convoi n°68.
Le lendemain, nous nous sommes rendus au Mémorial de la Shoah à Drancy, où se trouve la Cité de la Muette qui fut le plus grand centre d’internement et de transit de France. Il témoigne de la participation de l’État français dans ce génocide. Les Juifs de France raflés y étaient enfermés et traités comme des animaux, puis dirigés, à partir de 1943, vers la gare de Bobigny où ils montèrent alors dans les tristement célèbres wagons à bestiaux. La visite de cette ancienne gare de déportation de Bobigny représente un trait d’union entre la Shoah des Juifs de France … et leur sort en Pologne occupée.
C’est ensuite que ce voyage est vraiment devenu plus difficile à vivre ! Il a pris tout son sens. Alors même que les premiers jours semblaient à peine réels, tout est devenu plus clair lorsque nous sommes arrivés à Chelmno le premier camp d’extermination, mis en place par les Nazis fin 1941, puis abandonné et remis en activité en 1944. C’était un camp « test » où les Nazis expérimentaient leurs actions meurtrières et inhumaines, en gazant les Juifs déportés dans des camions, et en ensevelissant les corps dans la forêt à côté. Au moment de cette visite, de nombreux élèves ont commencé à ressentir de la tristesse, de la colère et même de l’impuissance. Nous étions alors véritablement plongés dans l’histoire la plus noire ! Bien que parfaitement conscients des faits, la découverte des lieux et des affaires personnelles des déportés nous a tous bouleversés.
Cette découverte fut d’autant plus intense que le lendemain, nous visitions le camp de Majdanek, sa chambre à gaz et ses fours crématoires…
Le 31 janvier, nous étions au tristement célèbre camp de mise à mort immédiate d’Auschwitz-Birkenau. L’immensité d’Auschwitz-Birkenau nous a tous profondément marqués. Cette visite nous a permis de nous rendre compte de l’aspect industriel de la Shoah, de la quantité de personnes, d’hommes, de femmes, de personnes âgées et d’enfants dirigés vers la mort. Au mémorial de Birkenau, où nous avons déposé le galet de la Mémoire, remis dans la main de chaque élève par Marie-Claire, une rare survivante de la rafle du 31 janvier, nous avons commémoré les derniers Juifs de Charente Maritime, tués pour la plupart dans les chambres à gaz mais aussi les Juifs de Hongrie : alors que la guerre semble perdue par les nazis, entre le 15 mai et le 9 juillet 1944, plus de 434 000 Juifs sont déportés dans 147 convois et 80 % sont tués dès leur arrivée !
Le 1er février nous nous rendîmes au camp d’Auschwitz 1, transformé de nos jours, en musée. Ce musée montre les preuves du crime : les cheveux, les chaussures, les effets personnels des victimes ainsi que les nombreuses boites de Zyclon B par lequel furent tués 1 100 000 Juifs, vides … !
Après une journée de bus, nous arrivions à Budapest pour découvrir la vie et la culture de ces Juifs de Hongrie : musée de l’Holocauste, « quai aux chaussures » là où des centaines de Juifs furent fusillés par les Croix fléchées (parti d’extrême droite qui avait pris le pouvoir en Hongrie en octobre 1944), quartier juif et monument « aux victimes du nazisme » très controversé et inauguré par le Premier Ministre Hongrois populiste, Victor Orban. Ce monument ne mentionne pas les centaines de milliers de Juifs « génocidés », ce qui semble exonérer les dirigeants hongrois à la solde des Nazis, de toute responsabilité …
Enfin, après une quatrième nuit dans le bus, nous sommes passés par Nuremberg pour visiter le lieu des célèbres procès où ont été jugés les plus hauts dignitaires nazis pour « crime contre l’humanité » dont un certain Hermann Göring… Une certaine forme de libération intérieure fut alors possible : ces crimes de masse avaient été jugés et la plupart des condamnés exécutés !
Ce périple de plus de 6000 kms à travers l’Europe nous a tous profondément changés. Chacun est revenu différent et grandi. C’est un voyage qui ne s’oublie pas. C’est pour cette raison que tout le monde devrait le vivre.
Certes, ce voyage est extrêmement éprouvant. Toutefois, nous devons aujourd’hui, à l’heure où les derniers rescapés sont en train de nous quitter, être nous-mêmes des porteurs de mémoire, de cette période noire pour le monde et les générations futures. Nous devons combattre tout négationnisme, révisionnisme ou falsification de l’histoire, encore à l’œuvre dans nos sociétés contemporaines, instruits par des politiques ou des gouvernements européens…
« Ceux qui ne connaissent pas l’histoire s’exposent à ce qu’elle recommence » (Élie Wiesel).
Emma, journaliste du Petit Fénelon (journal lycéen)
> Carnet de bord du voyage civique et mémoriel à Auschwitz, consultable en cliquant sur ce lien : https://digiwall.app/w/634/7060d/voyage
> Émissions « Ici, ici, c’est la jeunesse » de la radio RCF Charente-Maritime : témoignages d’élèves avant et après ce voyage civique et mémoriel.